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Enseigner et Apprendre le F.L.E.
11 avril 2017

Gérer l’hétérogénéité des élèves : des tours de magie

Gérer l’hétérogénéité des élèves : des tours de magie

 

-Des niveaux très variés…

Plusieurs niveaux, autant de fois plus d’activités et de choses à gérer…

En effet, j’ai pu constater dès les premiers cours que les apprenantes ont des

besoins d’apprentissages qui s’étendent vraiment à tous les niveaux de maîtrise de la langue, des savoirs de base aux niveaux les plus pointus.

Généralement, deux groupes se profilaient entre les mois d’octobre 2016 et de mars 2017.

 

Le premier type d’apprenantes : besoin d’apprendre à lire les lettres et à écrire les lettres de l’alphabet. Certaines, d’ailleurs, ont énormément de mal à comprendre le français à l’oral et ne peuvent s’empêcher de passer par leur langue maternelle pour comprendre les consignes, les mots, déchiffrer … C’est difficile. C’est normal, mettons-nous à leur place. Du coup, plusieurs choses à gérer, et surtout leur manque d’indépendance dans les cours. J’y ai réfléchi plusieurs semaines, entre les cours, pendant les cours, pour aboutir à une foule de jeux, activités avec des lettres en bois, des ardoises, des mots à copier, à former, des tours de magie. Oui, nous faisons de la magie le vendredi ! Par exemple, le mot chine se transforme en chien. Le mot spot = stop = pots = pot = post = psot = > même si ça ne veut pas toujours dire quelque chose on parvient à reconnaître les lettres et les sons qu’elles émettent lorsqu’on les prononce.

Attention, les progrès sont gigantesques, lorsque je vois par exemple combien les élèves s’appliquent à écrire dans leurs cahiers des lettres toutes petites. Une des apprenantes, que j’affectionne particulièrement car elle est là depuis le tout début, qu’elle emmène toujours son grand sourire et ses yeux bleus qui s’ouvrent grand lorsqu’elle parvient à comprendre ce qu’elle lit… Elle me dit en aparté, « vous savez j’ai travaillé cette semaine ! –ah oui ? –oui, j’ai fait des lettres avec ma fille ! » et émue presque aux larmes je la félicite pour toute la progression accomplie… elle écrit ! Et très bien, même. Sans transpercer son cahier, ni graver des lettres dans la table ^^ et elle ferme ses bouchons de feutres quoi qu’il advienne.

D’autres personnes se sont rajoutées en cours d’année avec le bouche-à-oreilles. L’une d’elle paraît un peu triste, un peu complexée de ce décalage, je fais tout pour gérer son petit moral ou sa timidité… je la complimente et lui donne des mots simples à constituer grâce aux lettres que je dispose devant elle. Ces lettres sont là, il faut essayer de les reconnaître, de les mélanger pour obtenir le mot demandé. Avec l’aide d’une voisine de table (et voisine en réalité) la magie opère. Parfois, elle met du temps, parfois, c’est juste brutal, ça vous tombe dessus et je ne peux m’empêcher de me dire « ces dames sont formidables ».

Donc, il y a celles qui avancent à la maison, celles qui passent leur temps à attendre si j’ai le dos tourné, ou à bavarder dans leur langue, ou encore à vouloir écrire à tout prix alors que je propose une activité de déchiffrage des lettres ou de mémorisation « visuelle »…

 

Et puis il y a un autre groupe que j’apprécie, c’est le groupe de niveau 3, je dirai. C’est ce que je vois en tout cas. Alors, il s’agit de 5 amies principalement, elles constituent le noyau de ce groupe et sont toutes voilées. Plus je les connais, plus je les trouve magnifiques quand elles arrivent avec leur timidité habituelle et à la fois leur regard de « méfiance »-« confiance » : « Qu’est-ce qu’elle nous a mijoté aujourd’hui ?? » Non, okay, l’expression culinaire c’est moi qui la mentionne, mais j’ai une petite idée derrière la tête.

Avec ce groupe, effectivement, nous avançons bien. Dans différentes directions. J’ai la chance de pouvoir travailler avec elles pendant une heure par semaine, (au début nous étions une quinzaine pendant 2 heures, impossible de les aider comme il le fallait…). Alors voilà.

Ce sont des dames, chefs de famille, mères hyperactives, coquettes, modernes (le téléphone portable qui sonne, on cherche des recettes sur Internet, on gagne en confiance jour après jour, on gronde l’enseignante lorsque les exercices sont trop difficiles ou ennuyeux, bref j’apprécie énormément.

 

Et enfin, je rencontre des élèves en « solo » mais qui font partie du groupe bien sûr, elles viennent plutôt se perfectionner. Par exemple l’une d’entre elles est une très jeune femme mariée, maman et cherche à approfondir l’écrit. Alors non, son français oral n’est pas parfait, mais franchement elle se débrouille super bien. La timidité est un point commun à nombre d’entre elles, mais elle cherche, elle lit, relit, jusqu’à identifier les bonnes informations et répondre à des questions sur des thèmes locaux, des articles que je pioche dans le magasine « tout le bas-rhin » etc.

Une autre dame a un bon niveau mais vient pour suivre la scolarité de ses grands enfants, maintenant qu’elle a un peu plus de temps pour elle. Je la vois chercher la conjugaison de textes, améliorer ses écrits en ajoutant des connecteurs logiques, essayer de s’améliorer pour « faire plus français » comme elle a dit un jour en début d’année.

Une autre encore a la ferme intention de faire avancer sa vie professionnelle, elle qui a un petit job pour pouvoir s’occuper de sa fille et de la maison à côté. Elle vient peu de fois et peu de temps mais est très motivée à comprendre et s’exprimer. D’autant plus que sa maman l’accompagne en « savoirs de base ».

Enfin une dame est venue assez récemment, elle est géniale car elle aide comme une pro : elle me remplace lorsque je m’adresse aux autres apprenantes et que quelqu’un a besoin d’aide, elle fait bien la différence de sons dans les mots pour que les apprenantes puissent identifier les lettres correspondantes…J’apprécie cette aide précieuse, bien qu’elle avance moins vite … Si ce n’est pas du lien social, je ne sais pas !

 

-Des origines différentes = la partie culturelle est variée et implique des réajustements… Nous tentons de découvrir toujours quelque chose, des habitudes, des parties de la maison, les changements de saisons et leurs conséquences sur la nature, les enfants, elles-mêmes… Nous parlons chiffons, carnaval,  recettes traditionnelles régionales et françaises, mais aussi et surtout, nous parlons de leurs différentes cultures, en échangeant avec convivialité et bienveillance, et cela fonctionne du tonnerre. Je suis invitée à chacune de leurs animations, kermesses ou autres activités qui contribuent à la modernisation de leur mosquée !

 

-Des personnes très timides qu’il faut solliciter tout le temps (après 5 mois je connais à peine le son de leur voix !) et d’autres personnes qui veulent imposer leur avis personnel, leur « mode de gestion de la maison » dans le cours, et donc qui ont du mal à accepter l’autorité de mon statut d’enseignante…

 

-Des liens avec les familles qui vont au-delà du cours : je pense que la confiance s’acquiert progressivement, voire très lentement au départ. Les apprenantes me cachent des choses : en fait, leurs enfants sont parfois des anciens élèves que j’avais au collège (et avec lesquels c’était parfois tendu de chez tendu !) Eh bien tous me sourient maintenant dans la rue, je sais pourquoi (j’ai mis 5 mois à faire les liens tout de même). Ils sont hyper polis : disent un grand « bonjour, ça va ? » Haha je comprends enfin !! Mais cela me donne une pression supplémentaire, ainsi qu’à leurs mamans, voisines, tantes, etc.

 

 

Anecdote rigolote number… (je ne compte pas) :

« Combien de syllabes y a-t-il dans le mot PULL ?

-Deux manches !!! »

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